Mercredi 11 mars 2015 :
Réveil à 5h55. Il fait encore nuit. Je pars seul à 6h10 par le chemin habituel. Je suis rapidement accompagné par les enfants qui vont à l’école. Ils ont un sacré rythme. J’arrive au stade, nous sommes 3. Instant privilégié, je fais quelques vidéos et photos pour immortaliser le moment. La lumière progresse rapidement sur le stade. Je commence mon footing à jeun et ai maintenant mes repères sur ce tour de piste. Pour changer un peu, je me positionne au dernier couloir pour ne pas gêner les premiers coureurs. Au bout de plusieurs minutes, le premier groupe arrive au stade par le chemin opposé. Les autres groupes suivent.
Il est ensuite l’heure de prendre les minibus en direction du safari. Nous partons finalement à 8h pour 3 heures de route.
Nous effectuons un arrêt au gorge de Chebloch. La vue est magnifique. Au loin, on voit un crocodile en train de prendre le soleil.
Nous arrivons enfin au lac Baringo. Il s’agit d’un lac d’eau douce qui attire de nombreux oiseaux migrateurs aquatiques. Il représente aussi un paradis pour les crocodiles et les hippopotames. Le lac mesure 21 km de long sur 13 km de large et est situé à 965 mètres d’altitude.
3 barques sommaires à moteur nous attendent à l’arrivée des minibus. Ici, il faut beaucoup plus chaud qu’à Iten. Il vaut mieux être couvert pour éviter l’insolation. Nous longeons dans un premier temps la rive, le temps d’observer les hérons, les grues et autres cormorans qui font sécher leurs ailes en les écartant. Après un demi-tour complet, on se retrouve à circuler au milieu d’un ancien complexe hôtelier maintenant à moitié immergé sous l’eau. Les arbres morts servent de perchoirs ou de nids aux échassiers, le cadre est très étrange. Nous dérangeons dans sa sieste un grand-duc; impressionnant. On croise quelques hippopotames qui répondent au sifflet émanant du pilote de la barque. Ils sont curieux et remuent leurs oreilles. On les dérange durant leur sieste.
On se dirige dorénavant au large en direction d’Olkokwe, l’île principale. Elle est habitée par une famille dont le patriarche aurait 23 enfants. Il a la forme le monsieur.
Nous nous arrêtons un instant devant 3 pêcheurs. Leur embarcation est plus que sommaire, il s’agit d’une planche rafistolée avec des bouts de fer. On se demande comment elle peut flotter. Leurs pagaies sont des bouts de plastique à la forme arrondie. On leur achète quelques poissons dont un beau poisson-chat. Ils serviront d’appâts pour les célèbres aigles-pêcheurs. Après une tentative échouée, cette fois-ci c’est la bonne. Le pilote de la barque les sifflent, coince brutalement un bâton dans la bouche du poisson afin qu’il flotte. Les aigles ont l’habitude, on les voit se diriger dans notre direction. Nous dégainons les appareils photos afin de saisir quelques clichés de l’aigle saisissant le poisson dans ses serres.
Nous contournons l’île dont celle du diable. Elle doit être volcanique car il arrive qu’elle recrache de la fumée. Elle est surtout hantée par les esprits et donc jamais approchée.
Après environ 2h de balade, nous regagnons la rive pour nous poser dans un complexe hôtelier luxueux. Hodha négocie un tarif de groupe pour le buffet : 600 shillings par personne. En attendant, on se pose dans de larges banquettes en buvant une Tusker, bière locale. Durant le repas, une autruche passe la tête à travers les barreaux de la fenêtre. Elle a l’habitude de finir les assiettes. Il est déjà temps de repartir, on rejoint le Kerio View Hotel à 18h après 6 heures de route dans la journée. Je dors une bonne partie du chemin du retour. Il faudra être en forme, ce soir c’est Chelsea-PSG. Avec les 2 heures de décalage horaire, le match risque de finir tard.
On retrouve ceux qui ne sont pas venu au safari avec Bob devant la salle de sport. Ils font des étirements. Bob raconte quelques anecdotes sur ses premières expériences en Ethiopie. Sa description montre un pays beaucoup moins développé que le Kenya et très bureaucratique surtout en matière d’autorisation sportive. Je rêve également d’y aller.
Clovis a sorti son maillot floqué de Pastore. J’ai également ramené le mien, on est donc une bonne quinzaine à regarder le match devant la télé du bar de l’hôtel. Une partie du groupe part se coucher à la mi-temps. Nous sommes 4 irréductibles (avec Christophe et Guillaume) à prolonger le plaisir jusqu’à la prolongation. Paris élimine, après un suspense rare, les londoniens avec plus de 90 minutes jouées en infériorité numérique. Il est plus d’1h20 du matin lorsque l’on rejoint la chambre. On réserve une petite surprise à Jérôme en rentrant. Il a du mal à croire à la qualification parisienne, il est parti se coucher à la 80ème minute.
Jeudi 12 mars 2015 :
Bob a programmé la séance à 9h en sachant que la veille certains d’entre nous avons fait le safari et veillés tard pour le match. Fartlek kenyan au programme qui consiste à alterner des sprints avec des retours au calme. Nous courons pour un échauffement de 4 kilomètres en direction du stade. J’ai de bonne sensation, je suis le rythme du groupe basé sur environ 5 min au kilomètre. On rejoint le stade et pour une fois je ne prends pas le raccourci. Après quelques éducatifs, je fais 4 lignes droites. Bob nous annonce la séance au fur et à mesure des tours de piste. La sensation est étrange. On s’attend à tout mais surtout au pire mais c’est ça qui est bon. 3 minutes sur une allure de 4’10 au kilo. Après quelques instants de récupération active : 3 minutes sur une allure de 4’ au kilo. Cela commence à être dur pour moi de suivre le rythme. Je mange la poussière du groupe. On enchaîne ensuite avec 4 minutes 30 sur une allure de 4’05 au kilo. Je fini ma séance avec 1 minutes 30. Le cardio monte trop vite et je manque de rythme, pas de doute la piste est bien à 2 364 mètres à la montre de Valentin F. Il commence à faire chaud, il est presque 10h. Le reste de mon groupe enchaînera ensuite avec 2 fois 2 minutes. La séance se finit par 2 fois 400 et 2 fois 200 mètres. Fatou et Clovis finissent la séance au coude à coude, ça ne lâche rien jusqu’aux derniers mètres. Hélène et Laurent s’entraînent sur les lignes droites, c’est le clan des sprinters. Le premier groupe qui court torse nu enchaîne la séance sur des rythmes plus soutenus. Le dernier 200 mètres est impressionnant, Rémy T fini son demi-tour, il en avait encore dans les jambes. Valentin A fini juste derrière, une chose est sûre tout le monde à tout donné. Beaucoup s’effondrent sur la pelouse lors de leur arrivée. Le groupe 3 fini sa séance, il s’est bien accroché également.
J’ai confirmé le rendez-vous de 13h avec Craig pour le repas de ce midi. Jérôme est parti en ville, je propose donc à Fanny de m’accompagner. La veille, nous étions assis à côté dans le matatu. Elle me parlait de son rêve de goûter à l’ugali avant notre départ. Nous mettons 30 minutes à pied pour aller à l’école. Je retrouve Lydia dans la cuisine. Elle me reconnaît et est en pleine préparation du fameux ugali. La chaleur dans la pièce est encore plus importante que la dernière fois. Les braises sont bien chaudes et il faut une sacrée force et poigne pour mélanger la farine de mais. Fanny est impressionnée par la taille de la pièce. Je tourne une petite vidéo pour présenter l’ugali. A côté, une grosse marmite mijote. Elle est pour les enfants. Elle contient des haricots et des petit-pois. J’ai du mal à imaginer et à croire que ce plat est pour les 736 élèves. J’en ai bien peur que oui, les portions doivent être réduites. Je discute longuement avec la professeur d’anglais, elle est très sympa. Fanny ne parle malheureusement pas anglais, je lui fais donc la traduction. On s’installe sur des sièges en rondin de bois en compagnie de Craig et Alphonce. Le repas est super bon. J’essaye de ne pas trop boire d’eau pour éviter que l’ugali gonfle dans mon estomac, c’est très compact et bourratif. Il est accompagné par du choux, des légumes et de la viande. En repartant nous saluons les professeurs qui mangent également le même plat que nous. Certains corrigent en même temps, les cahiers des élèves. Nous remercions encore tout le monde pour leur accueil. Je donne quelques t-shirts et casquettes au professeur.
Il est temps de repartir, j’ai rendez-vous avec Medhi à 15h devant l’arche des champions. On va papoter un peu de nos premiers jours à Iten. On boit finalement un masala tea dans le bar de son hôtel. Il reste 3 semaines chez Lornah Kiplagat. On la croise rapidement au comptoir. Je lui demande si je peux prendre une photo avec elle. Elle accepte avec plaisir. Lornah a été championne du monde de cross en 2007 sous le maillot hollandais après son mariage avec un batave. Elle a ouvert un centre aux normes occidentales avec piste en tartan, le HATC, où tout est organisé pour que coureurs puissent s’entraîner. Piscine et salle de sport ont venu compléter les petits bungalows. Elle essaye de s’agrandir progressivement, elle est aussi réputée pour être dure en affaires. Plusieurs ont essayé de lui racheter dont dernièrement Mo Farah. Medhi, spécialiste du 800 et 1 500 mètres, commencera ses gros entraînements sur la fin de la semaine avec un programme déterminé par son coach. Il a croisé hier au stade Kamariny, les 2 hommes les plus rapides en ce moment sur marathon : Dennis Kimetto (2h02m57s) et Wilsan Kipsang l’ancien détenteur du record (2h03m23s).
Il est déjà l’heure du footing de récupération fixé à 17h. On aura l’occasion de se revoir sur Paris à son retour. Je découvre ce parcours : 8,2 kilomètres avec 3 bonnes montées en 48 minutes. Plusieurs enfants courent à nos côtés pendant plusieurs minutes, ils paraissent faciles. Je fini comme je peux en fin de peloton. La journée aura été bien chargée.
En rentrant, on croise un des frères Richardson, Néo-Zélandais spécialiste du 5 000 et du 10 000 mètres. Pendant le repas, Jean-Pierre commence à projeter les premières vidéos contre le mur de la salle du repas. Les images avec la go pro sur la piste sont magiques. A l’étage, Absel Kiprop dine. Il est double champion du monde et champion olympique du 1 500 mètres. Pour le dessert, on réserve une surprise à Guillaume G. Il fête ses 31 ans. Il aurait pu ramener au moins une bouteille de Champagne de son domaine. Le gâteau est apporté par Bob, pas mal comme cadeau. On s’est tous cotisés pour lui offrir un t-shirt à manche longue au couleur du Kenya, il s’en souviendra de ses 31 printemps.
Sur les coups de 21h, nous avons la chance d’avoir une présentation de Jean-Christophe Colin, grand reporter au magazine l’Equipe depuis plus de 20 ans. Il connaît bien Bob. Il réalise plusieurs enquêtes au Kenya, pays qu’il connaît très bien après de nombreux voyages. Une des enquêtes traite notamment du dopage dont les suspicions sont importantes depuis plusieurs années. Quelques affaires viennent récemment d’éclater qui ternissent l’image du pays et de la performance de ces athlètes. Il est surtout là pour nous parler du Kenya et de la particularité de cette vallée qui cultive autant de champions.
Son introduction est étonnante mais super pertinente. Un silence règne dans la salle de conférence. Il commence par la présentation de La vallée du Rift dont on a le privilège d’admirer la vue tous les jours. C’est une cicatrice géologique longue de 6 000 kilomètres qui s’étend du Nord de la Syrie et qui finit au centre du Mozambique. Elle coupe en deux la corne de l’Afrique. Elle est aussi surnommée le « berceau de l’humanité » car de nombreux fossiles et de nombreux vestiges archéologiques très anciens y ont été découverts. Cette vallée présente toutes les conditions requises pour créer et conserver des fossiles.
Une théorie concernant l’apparition de la lignée humaine fait jouer un rôle de premier plan à la formation du rift. Elle aurait conduit à une différenciation climatique et environnementale majeure entre la région située à l’ouest, humide et boisée, et la région située à l’est, beaucoup plus sèche et occupée par la savane. Deux lignées évolutives auraient divergé aboutissant à l’ouest aux grands singes arboricoles, et à l’est aux Australopithèques. L’apparition de la bipédie serait une adaptation à la savane.
Il nous parle de l’ethnie des kalenjin (Décathlon à fond la forme) dont est issue la majorité des grands champions. Après plusieurs études poussées, il apparaît que seul les tissus de leur mollet soit plus étirés que la norme. Après il n’y a pas de secrets : beaucoup de travail et de sacrifice. Depuis tous petits, les enfants sont élevés à « la dure ». Leur estomac est habitué à peu manger. Je repense immédiatement à la marmite de ce midi que se partage plus de 700 gamins. Jean Christophe cite l’exemple de l’Ethiopienne Meseret Defar, 6 fois championne du monde et double championne olympique sur 5 000 mètres qui descendait sur son dos tous les jours du bois de chauffe pour quelques birrs. En cas de victoire, les dotations des marathons ou des courses olympiques peuvent leur permettre de mettre à l’abri leurs proches pour plusieurs années, c’est leur motivation. L’athlétisme est l’unique ascenseur social au Kenya et dans les pays limitrophes. Bob reparle du fameux « pied » des Kenyans. Ils le développent, tous les jours, depuis leur plus jeune âge en courant ou marchant sur les terrains pentus et accidentés de la vallée. L’altitude est enfin un élément clé. Lorsque les Kenyans redescendent au niveau de la mer, ils se sentent voler. Cette présentation me fait également penser à un livre que j’ai dévoré juste avant de partir : « Courir avec les kenyans » d’Adharanand Finn.
Nous le remercions chaleureusement d’avoir pris de son temps pour nous parler du Kenya. Je suivrais attentivement ses prochains reportages dans ma bible du week-end.
Je retrouve au restaurant Enock, un des kenyans qui accompagne notre groupe tous les jours. Je lui avais demandé ce matin sa pointure. Je lui ai trouvé 2 paires de running en 43 et quelques t-shirts dans le stock de vêtements et de chaussures que je n’ai pas encore distribué. J’en profite pour également demander leur taille à nos 2 autres compagnons.
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